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[Entretien] Aurélien Pradié : « La République ne doit plus reculer d'un millimètre »

L’ancien numéro deux du parti Les Républicains pose un diagnostic très ferme sur les récentes émeutes. Entretien.


Le député du Lot Aurélien Pradié (Les Républicains), dans son bureau à l'Assemblée nationale, à Paris, le 11 juillet 2023. BRUNO FERT POUR « LE MONDE »



Avec un peu recul et un temps de silence, quelle analyse tirez-vous de ces émeutes ?

J’y vois le signe d'un effondrement absolument généralisé de l'action politique, de l'autorité politique, des principes républicains fondamentaux. Tout s'est écroulé comme un château de cartes en l'espace de quelques heures. Ce qui m'a frappé par ailleurs, c'est la lâcheté. D'abord la lâcheté des émeutiers eux-mêmes. Il faudrait être fou ou inconscient pour imaginer que ces émeutiers portaient une cause sociale quelconque. Et face à cette lâcheté-là, l'effondrement de l'autorité politique.



Qu'entendez-vous par là ?

Les responsables politiques ont tout misé sur le maintien de l'ordre. Et si le maintien de l'ordre était vital et fondamental, le politique s’est lui immédiatement caché derrière les policiers, les gendarmes et les pompiers pour les envoyer en première ligne et ne pas prendre ses responsabilités. On a assisté aussi durant cette période à la naissance de « jubilateurs » politiques. À l'extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon et ses amis ont fait un pari définitivement disqualifiant, qui était que l'effondrement des grands principes républicains pourrait servir leur cause électorale. Ils sont devenus des ennemis de la République. Quant à l'extrême droite, elle a jubilé elle de voir dans la mise à feu du pays la confirmation de sa thèse politique.



À l'extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon et ses amis ont fait un pari définitivement disqualifiant, qui était que l'effondrement des grands principes républicains pourrait servir leur cause électorale.


Si les mots vous dérangent, faites-vous le même constat sur des territoires qui seraient perdus pour la République ?

Dans ces territoires, il y a des femmes et hommes pour qui les mots de République et de Nation ne veulent plus rien dire, où la République a reculé, peut-être même a abandonné ses positions. Il s’agit de la question de l’immigration non contrôlée. Mais il s’agit également de la question du trafic de drogue qu'on semble mettre de côté. Là aussi, par lâcheté politique, alors que l'on sait que c'est le trafic de drogue qui fait l'ordre et le désordre de ces quartiers. L’assimilation comme le trafic de drogue doivent constituer des combats pour la Nation. Et là encore, il existe une lâcheté politique, parfois même du clientélisme. Au fond cette situation a arrangé beaucoup de monde.



Dans ces territoires, il y a des femmes et hommes pour qui les mots de République et de Nation ne veulent plus rien dire, où la République a reculé, peut-être même a abandonné ses positions.


Pour vous, la réponse passe surtout par un retour de l'autorité.

La République ne doit plus reculer d'un millimètre. Cela veut donc dire rétablir l'ordre et réinstaller un mur qui a disparu dans notre pays : le mur de l'autorité. Voilà le vrai défi. L'impunité n'est plus un sentiment mais une réalité. Certains individus de 13 ans n'ont jamais fait l'expérience de la contrainte, de la limite ; ni dans leur famille, ni dans l'école, ni dans la société quand ils se comportent comme des voyous. Je souhaite qu'on retrouve en France une forme d'intransigeance en matière de culture républicaine, notamment redire que la laïcité est une chance d'émancipation pour chacun et chacune. La France, c'est l'autorité de la République, mais c'est aussi une promesse. La promesse de la dignité. Je n'ignore pas que cette promesse est à rebâtir aussi solidement que l'ordre.



Vous évoquez l'immigration non contrôlée. Dans leur immense majorité, les émeutiers ne sont pas arrivés récemment en France. Pourquoi lier ce déchaînement de violence avec l'immigration ?

Le lien est à faire avec l’immigration non contrôlée, à cause de laquelle la France ne parvient notamment plus à appliquer ses propres règles sur son territoire. La politique migratoire a été traitée avec lâcheté, laissant croire qu'il suffisait d'installer quelqu'un sur le sol national pour qu'il devienne français. On a échoué à inculquer les immenses valeurs de notre pays. Il existe un divorce intégral dans certains quartiers et une haine de la France. Or ne pas regarder lucidement les choses, ne pas accepter de dire que nous avons un défi migratoire et d'intégration à gérer, c'est donner du carburant à l'extrême-droite.



La République ne doit plus reculer d'un millimètre. Cela veut donc dire rétablir l'ordre et réinstaller un mur qui a disparu dans notre pays : le mur de l'autorité. Voilà le vrai défi.


Marine Le Pen soutient comme vous la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour crimes. C'est une mesure qui paraît plus symbolique qu'autre chose pourtant...

Si nous voulons lutter contre la montée de Marine Le Pen et du Rassemblement National, la seule solution est l'intransigeance républicaine. Oui, il faut dire aujourd'hui que la double nationalité n'a plus lieu d'être dès lors qu’on s’attaque à l’une de ces deux nations. C'est symbolique, mais un symbole peut être important. Dans cette phase de reconstruction du pays, nous avons besoin d'adresser des symboles forts et puissants. Concernant les textes législatifs qui se présentent, celui relatif à la justice qui sera voté la semaine prochaine et celui sur la reconstruction, le rôle de la droite ne sera pas de se fondre dans un rôle de négociateur et d'obtenir des avancées qui se révéleront ensuite fictives comme ce fut le cas sur les retraites. Il revient aux Républicains d'être les acteurs d'un véritable bouleversement républicain. Pour ma part, je m'opposerai de manière intransigeante à tous les textes qui ne seraient que des pansements sur l'hémorragie.



C'est le cas selon vous la loi de programmation de la justice ?

Qui peut croire qu'une augmentation du budget de la justice de 10 % permettra de la refonder ? Il faut l’augmenter de 30 à 40 %. Je suis favorable à la création de davantage de places de prison, mais je ne voterai pas un texte qui promet un volume de places qui ne seront jamais réalisées. Face à l'ampleur de la crise, on ne peut plus faire semblant avec les Français.



Samedi, vous avez réuni vos soutiens à Paris et annoncé vouloir vous organiser pour devenir une « force de proposition » à la rentrée. Certains chez LR peuvent le comprendre comme une force d'opposition.

J'en ai trop vu commettre l'erreur de sortir du parti (et de le regretter ensuite) pour ne pas les imiter. J'apprends de leurs erreurs. Pour le reste, je veux que nous repensions vraiment la droite. Fin septembre, je lancerai une organisation qui permettra d'animer le débat d'idées. Ce ne sera pas un micro-parti, si c'est votre question. Mais un moyen qui nous permettra de nous ouvrir à des personnalités extérieures au monde politique. Pour parler des services publics, de la gestion de l'eau, du handicap, des violences faites aux femmes et aux enfants, de la hausse de la mortalité infantile... J'entends déjà les méta-politiciens me dire que ce sont des sujets de sous-préfecture, mais le récit national se refondera aussi sur les réponses apportées à toutes les blessures du quotidien des Français. L'action politique retrouve sa noblesse en changeant la vie. Et en redonnant de la dignité.

Le récit national se refondera aussi sur les réponses apportées à toutes les blessures du quotidien des Français. L'action politique retrouve sa noblesse en changeant la vie. Et en redonnant de la dignité.


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